Cette page est une copie de sauvegarde de l'article originalement publié sur le site carpewebem le 22 mai 2011

fr

Du 10 mai au 11 juin 2011, la galerie Charlot, qui a décidément toute ma confiance, héberge des oeuvres de François Zajega alias Frankie Zafe, artiste numérique dont la démarche m’a particulièrement plu. Je vous conseille d’aller y faire un tour, et surtout d’aller voir de nuit l’oeuvre interactive sur la vitrine de la galerie au 47 rue Charlot.

Avant d’aborder le sujet des oeuvres de François Zajega, il faut que je vous remette dans le contexte dans lequel je les ai vues. La veille, j’étais à la conférence de Matt Pyke & friends, un collectif d’artistes numériques, à la Gaîté lyrique. J’ai déjà écrit là-dessus, et depuis je me suis posé des questions sur ce qu’est l’art numérique et comment il se décline, en développant quelques idées. On peut commencer en dressant une histoire à très gros grains de l’art, sous forme de : arts premiers, art classique, art moderne et art contemporain, et de considérer l’art numérique comme démarrant à un temps zéro sur un nouveau terrain, dans une nouvelle histoire. Les époques de l’art « d’avant » ne sont alors plus successives mais simultanées, des courants parallèles. Avec cette approche, on pourrait alors qualifier un art numérique qui cherche à représenter avec ses propres moyens le réel qui l’entoure, ce monde qui lui est extérieur, étranger, comme un art numérique premier ou classique, en fonction des finalités qu’il poursuit. Pour aller plus loin, j’appellerai même art numérique analogique un art numérique dont la création procède par analogie à des objets du monde réel. C’est en ces termes, art numérique premier et/ou classique, art numérique analogique, qu’en première approximation je qualifierai l’oeuvre de Matt Pyke & friends.

L’art numérique non analogique (je cherche toujours un terme mais rien ne me satisfait) adopte la promesse folle de l’art numérique de se détacher du réel, de ses formes et de ses obligations, de son in-tension (qui s’impose au sculpteur et au peintre par la matérialité, au photographe et au cinéaste par le plan et la coupe) pour offrir un néant numérique où ne subsiste plus que l’intention de l’artiste, ou justement à un degré plus élevé l’abandon de l’intention humaine au profit de celle (à questionner) de la machine. « Presque plus que l’intention de l’artiste », pour des raisons qu’il me faudra développer. Là je pourrais commencer aussi à illustrer mon propos avec une évocation de la scène demo. Mais bref. Ainsi, au sein d’un art numérique de courant moderne/contemporain qui tend à s’évader de l’analogie, on peut voir se dégager encore une alternative entre art numérique déterministe et non déterministe.

Il ne m’en fallait pas moins pour introduire les oeuvres de François Zajega, qui se placent selon moi au coeur de toutes ces interrogations. Leur forme se détache de la représentation du réel, les règles qu’il gouverne pas nécessairement. Certaines oeuvres (sous forme d’affichage du résultat de l’éxécution d’un algorithme) ont un comportement complètement déterminé par l’artiste, une intention pré-méditée, d’autres auront une forme différente à chaque exécution, certaines même vont évoluer dans le temps, « apprendre ». Une infinité de questions se posent alors, pour la critique bien sûr (comment critiquer une oeuvre dont la forme échappe à son créateur voire aura évolué le lendemain ?), pragmatiquement pour les collectionneurs et marchands d’art, demain pour les visiteurs et médiateurs de musées. C’est du vécu et de l’entendu devant les oeuvres de François Zajega : « qu’est-ce qu’on achète ? » Le tableau qui reproduit une forme créée par le programme à un instant donné dans un cadre donné, la vidéo de la constitution de cette forme par le programme, le programme sans ses règles de fonctionnement (son code source), le programme ainsi que ses règles de fonctionnement, comme une représentation du geste de l’artiste reproductible à l’infini ? Walter Benjamin, reviens !

en

(deepl translation)

From May 10 to June 11, 2011, the gallery Charlot, which has decidedly all my confidence, hosts works by François Zajega alias Frankie Zafe, digital artist whose approach I particularly liked. I advise you to visit it, and especially to go and see at night the interactive work on the gallery's window at 47 Charlot Street.

Before I talk about the works of François Zajega, I must put you in the context in which I saw them. The day before, I was at the conference of Matt Pyke & friends, a collective of digital artists, at the Gaîté lyrique. I've already written about it, and since then I've asked myself questions about what digital art is and how it is declined, developing some ideas. One can begin by drawing up a very coarse-grained history of art, in the form of raw arts, classical art, modern art and contemporary art, and considering digital art as starting at a zero time on a new ground, in a new history. The periods of art "before" are no longer successive but simultaneous, parallel currents. With this approach, one could then qualify a digital art that seeks to represent with its own means the reality that surrounds it, this world that is external to it, foreign, as a primary or classical digital art, depending on the purposes it pursues. To go further, I will even call analog digital art a digital art whose creation proceeds by analogy to objects of the real world. It is in these terms, digital art first and/or classic, digital art analog, that in first approximation I will qualify the work of Matt Pyke & friends.

Non analog digital art (I am always looking for a term but nothing satisfies me) adopts the mad promise of digital art to detach itself from reality, from its forms and obligations, from its in-tension (which imposes itself on the sculptor and the painter by materiality, on the photographer and the filmmaker by plan and cut) to offer a digital nothingness where only the artist's intention remains, or precisely to a higher degree the abandonment of the human intention in favour of the one (to question) of the machine. "Almost more than the artist's intention", for reasons that I will have to develop. Here I could also start to illustrate my point with an evocation of the demo scene. But anyway. Thus, within a modern/contemporary digital art that tends to escape from analogy, we can still see an alternative emerging between deterministic and non-deterministic digital art.

I needed no less to introduce the works of François Zajega, which I believe are at the heart of all these questions. Their form is detached from the representation of reality, the rules it does not necessarily govern. Some works (in the form of display of the result of the execution of an algorithm) have a behavior completely determined by the artist, a pre-meditated intention, others will have a different form with each execution, some will even evolve in time, "learn". An infinite number of questions then arise, for critics of course (how to criticize a work whose form escapes its creator or will have evolved the next day?), pragmatically for collectors and art dealers, tomorrow for visitors and museum mediators. It is lived and heard in front of François Zajega's works: "What do you buy? "The painting which reproduces a form created by the program at a given moment in a given frame, the video of the constitution of this form by the program, the program without its operating rules (its source code), the program as well as its operating rules, as a representation of the artist's gesture reproducible to infinity? Walter Benjamin, come back!

online identity ∋ [ social ∋ [mastodon♥, twitter®, facebook®, diaspora, linkedin®] ∥ repos ∋ [github®, gitlab♥, bitbucket®, sourceforge] ∥ media ∋ [itch.io®, vimeo®, peertube♥, twitch.tv®, tumblr®] ∥ communities ∋ [godotengine♥, openprocessing, stackoverflow, threejs]]